Dans certaines études, les sujets seront regroupés par paires et les comparaisons seront réalisées au sein de ces duos. C’est ce qu’on appelle des données appariées.
À quoi ça sert ?
Lorsque l’on compare deux groupes, on cherche généralement à ce que ces derniers soient le plus similaires possible, en dehors de l’élément étudié (ex : une intervention, une exposition, etc). Pour cela, on peut parfois recourir à la randomisation et espérer que le hasard fasse bien les choses, et effectuer des ajustements sur les facteurs de confusion.
Néanmoins, certaines situations ne permettent pas de recourir à la randomisation :
- dans les études cas-témoins, le groupe est dicté par le sujet
- avec les petits échantillons, le moindre déséquilibre peut fausser les résultats
- avec de potentielles variables de confusion sont rares ou complexes, on souhaite en équilibrer les effets entre nos groupes
- etc
Dans ce cas, vous pouvez constituer vos groupes de façon à ce que les sujets soient les plus semblables possibles sur la base de variables qui pourraient être des facteurs de confusion. Par exemple, pour chaque sujet inclus dans votre groupe A, vous pouvez chercher à inclure un sujet dans de même sexe, âge et antécédents dans votre groupe B.
Vous réduisez ainsi les facteurs de confusion dans votre étude.
Quelques exemples concrets
- Étude avant/après sur les mêmes sujets
Dans ces études, les sujets servent de leur propre contrôle, ce qui élimine les variations interindividuelles. L’appariement est implicite, car on compare les mêmes individus dans deux conditions différentes (avant et après une intervention).
Exemple : Étudier l’efficacité d’un traitement antihypertenseur en comparant les mesures de tension artérielle avant et après la prise du médicament chez chaque patient. - Études sur des parties jumelles d’un même sujet (ex. deux yeux, deux membres)
Ces études, parfois appelées études intra-sujets, permettent de comparer les effets d’une intervention sur deux parties symétriques ou similaires du même individu. Chaque individu est apparié sur ses propres caractéristiques.
Exemple : Comparer deux traitements pour le glaucome en appliquant un traitement différent à chaque œil chez les mêmes patients. - Études longitudinales avec groupes appariés
Dans des études longitudinales, l’appariement peut être utilisé pour suivre des groupes semblables sur une période donnée. Cela est particulièrement utile pour comparer des groupes exposés à différents facteurs tout en contrôlant des variables comme l’âge ou le sexe.
Exemple : Étudier les effets d’une nouvelle méthode de réhabilitation après chirurgie en appariant les patients en fonction de leur âge et de leur condition physique initiale. - Études comparant des jumeaux ou des proches génétiquement similaires
Dans des études génétiques ou environnementales, l’appariement peut être utilisé pour comparer des individus génétiquement similaires, mais exposés à des environnements ou traitements différents.
Exemple : Comparer l’effet du stress sur des paires de jumeaux où l’un a été exposé à un événement traumatique et l’autre non. - Études dans les populations pédiatriques ou gériatriques
Dans ces populations, les caractéristiques comme l’âge et la maturité physiologique ou cognitive influencent fortement les résultats. L’appariement est utile pour contrôler ces variables.
Exemple : Comparer les effets de deux approches pédagogiques chez des enfants du même âge et niveau scolaire. - Études d’imagerie médicale
Dans des études utilisant des techniques d’imagerie, l’appariement intra-sujet est fréquent pour évaluer les effets d’une intervention dans différentes régions ou moments.
Exemple : Évaluer l’effet d’un médicament sur deux zones cérébrales différentes en utilisant une IRM fonctionnelle.
Combien de sujets faut-il apparier ?
Il est courant d’apparier des individus en paires, noté 1:1 (par exemple, un cas et un témoin dans une étude cas-témoins). Il existe des situations avec lesquelles l’appariement se fait avec des groupes plus larges ou des structures plus complexes. Par exemple, dans une étude cas-témoins, un cas peut être apparié à plusieurs témoins (1:2, 1:3, etc.) selon des critères comme l’âge ou le sexe. Cela est particulièrement utile dans des études où les cas sont rares, car augmenter les témoins augmente l’effectif total et permet de gagner en puissance statistique.
Quelques précautions à prendre
Dans une étude sur données appariées, vous comparez les valeurs au sein de vos paires (voire triplets ou plus). Si une valeur est manquante dans une paire, la comparaison n’est pas possible. Ce sont donc les valeurs de deux sujets (ou plus selon la taille de vos appariements) qui ne sont plus exploitables. Il vous faudra donc minimiser au maximum les valeurs manquantes.
Le recueil de données appariées n’est pas différent d’un recueil de données classique. Chaque sujet doit faire l’objet d’une ligne dans votre tableur. L’appariement pourra se faire via l’ajout d’une colonne « appariement » dans laquelle vous noterez un numéro identifiant vos paires (ou trios ou plus).
Quelles analyses réaliser sur données appariées ?
Si vous avez apparié les sujets 2 à 2 :
Pour comparer des variables quantitatives, utilisez la version appariée des tests de Student ou de Wilcoxon.
Pour les variables qualitatives, optez pour un test de McNemar.
Si des ajustements sont nécessaires, il est possible d’utiliser des modèles mixtes ou des MANOVA. Il existe une approche plus simple qui consiste à calculer les différences au sein de vos paires et à explorer les associations entre vos facteurs et ces différences. Voici un exemple :
Dans une étude comparant deux traitements (A et B) chez deux groupes de sujets appariés, vous mesurez l’EVA après traitement et souhaitez comparer les résultats entre vos deux groupes. Vous souhaitez savoir si l’âge et le sexe des sujets influencent cette différence. Pour cela :
- Au sein de chaque paire de sujets, calculez la différence d’EVA dans un sens convenu (ex : EVA_sujetA – EVA_sujetB).
- Réalisez ensuite une régression linéaire mesurant l’association entre le delta d’EVA et les facteurs sexe et âge
Si vos appariements sont de taille supérieure (1:3 ou plus) :
Vous pouvez opter pour une ANOVA à mesures répétées (test paramétrique) ou un test de Friedman (test non paramétrique) pour comparer vos variables quantitatives.
Pour les variables qualitatives, optez pour un test Q de Cochran.
Si des ajustements sont nécessaires, vous pouvez utiliser une MANOVA pour mesures répétées ou un modèle mixte